Je considère que les outils de traduction ont trois grands domaines de fonctionnalités, les capacités d’interactions techniques, les capacités de support au travail d’équipe, les capacités d’aide à la traduction.

La technique comprend :

  • les formats de fichiers supportés
  • la synchronisation avec le dépôt source
  • l’outillage d’aide à l’automatisation
  • les possibilités d’interfaçage

Le support au travail d’équipe, qu’on pourrait aussi appeler « animation de la communauté » comprend :

  • Le suivi les modifications (par un traducteur, sur un projet…)
  • Le suivi les mises à jour poussées par les projets
  • L’affichage de l’état des lieux
  • La capacité de positionner ou non des étapes de relecture et validation
  • L’aide à la discussion entre traducteurs (d’une même équipe et inter-langues)
  • L’aide à la discussion avec le mainteneur du projet
  • La possibilité de communiquer globalement sur la plateforme (actualités, etc.)

L’aide à la traduction comprend :

  • Une interface claire et ergonomique
  • Un nombre d’étapes limité pour trouver son projet et commencer à travailler
  • Une capacité simple de lecture du flux entre la traduction et la diffusion
  • L’accès à une mémoire de traduction
  • L’enrichissement d’un glossaire

Quand on regarde ces quelques points, il n’y a finalement pas de grandes différences avec une plateforme de gestion de code source sur les deux premiers périmètres. Je soupçonne même que le dernier point est en grande partie tout à fait valide pour du code source. Cependant la donnée manipulée est assez différente et les utilisateurs sont souvent bien moins pointus en technique que les développeurs tout en étant bien plus nombreux.

Regardons maintenant ceux qui pour moi sont les meilleurs, la plateforme GNOME :

  • Leur site contient tant l’organisation des équipes que la plateforme de traduction. On voit qui est responsable et les rôles dans l’équipe. Tout est concentré en quelques écrans.
  • On trouve facilement sur quoi travailler, mais on se rend rapidement compte qu’il va falloir utiliser des fichiers qu’on télécharge sur son poste, puis qu’on renvoie une fois modifié. C’est pas très sexy, mais la logique est facile à comprendre.
  • On renvoie le fichier, ça transmet potentiellement une alerte sur la liste de discussion. Les étapes suivantes sont connues et on peut échanger sur la traduction facilement à l’échelle de l’ensemble (mais pas commenter une phrase).

Cela paraîtra étonnant, mais c’est la meilleure plateforme de traduction avec 297 langues et un pourcentage d’avancement clair, tant sur les phrases fondamentales que les menus avancés et la documentation. Couplé à un calendrier de diffusion prédictible de Gnome, tout est là pour bien fonctionner. C’est qu’ils ont mis l’accent sur un outil qui favorise le travail communautaire.

Si on regarde maintenant les pratiques de l’équipe de traduction de Debian, qui fait du bon travail depuis des années en traduisant des contenus inimaginables sur Fedora (notamment actualités), on constate qu’ils ont un processus de traduction très codifié, appuyé exclusivement sur les courriels avec une sauvegarde manuelle dans les dépôts. Eux aussi ont dont tout misé sur le processus plus que sur l’outillage, et malgré l’énergie considérable que cela me semble nécessiter, cela semble fonctionner depuis des années, tout en étant dans le peloton de tête des langues !

Ma perception est que l’enjeu de la réussite d’une plateforme de traduction n’est pas basé sur la capacité à faire de l’unitaire (Technique, Traduire), mais sur la capacité à structurer l’équipe de traduction en l’aidant à porter ses processus, c’est ce qui lui apporte de la pérennité.

Ce sont les processus de production qui sont les plus importants pour structurer une équipe, en les constituant correctement, chaque nouvel arrivant comprend facilement le fonctionnement, s’y inscrire, se les approprier puis expliquer le fonctionnement aux suivants.

Pour construire une communauté pérenne, il faut donc : en priorité un outil qui aide le travail collaboratif, puis seulement s’intéresser à l’ergonomie.

Pour obtenir rapidement des traductions sur un projet, il faut simplement une interface ergonomique.

On comprendra par cette explication ma frustration vis-à-vis de l’outil Zanata, performant sur l’angle technique, performant sur l’interface, mais tellement pauvre quand il s’agit d’aider à la structuration de notre communauté.