Lettre à mon ami Red Hat,
Zanata n’est pas mon outil favori, je ne le cache pas. Cependant, je n’aime pas l’idée qu’une plateforme de traduction ayant de vrais avantages s’effondre par la seule décision de Red Hat.
C’est un mauvais signal, surtout après avoir viré la majorité des traducteurs internes en 2017.
Quelles sont les forces de Zanata ?
Si à mon goût, Zanata n’aide pas suffisamment la communauté des traducteurs de Fedora, l’outil a une réelle valeur.
Il rend le traducteur très efficace dans son travail et permet une gestion communautaire décentralisée.
Sur l’efficacité du traducteur : la mémoire de traduction est très bonne, les recherches et remplacement sont efficaces, les phrases à traduire s’affichent par 20, avec enregistrement automatique.
Sur l’administration décentralisée : tout un chacun peut ajouter un projet, l’alimenter manuellement ou via une interface en ligne de commande.
C’est d’ailleurs probablement pour ces grandes qualités que nos amis de Framasoft l’ont élu : https://trad.framasoft.org.
Et cette association est une locomotive sur divers enjeux majeurs du monde numérique libre.
Quand on y regarde, c’est assez proche du fonctionnement de Transifex, plateforme privative.
Pourquoi j’affirme que Zanata s’effondre ?
- 9 septembre, Alex Aeng quitte le projet : https://lists.fedoraproject.org/archives/list/trans@lists.fedoraproject.org/thread/DDDEM7U2DARZNGZZUA3XZF4MO3YE53JW/
- 21 septembre, Sean Flanigan quitte le projet : https://www.redhat.com/archives/zanata-users/2018-September/msg00002.html
Cela m’a donné envie d’aller voir qui étaient les contributeurs principaux : https://github.com/zanata/zanata-platform/graphs/contributors?from=2017-07-26&to=2018-10-25&type=c
Or, Alex et Sean sont les contributeurs principaux depuis longtemps, suivis des deux suivants :
- Earl Floden, qui a quitté Red Hat en août : https://www.linkedin.com/in/earlmarkfloden/
- Patrick Huang, qui a quité Red Hat en août : https://www.linkedin.com/in/huangpatrick/
En parallèle, Brian Excelbierd me pose beaucoup de questions sur le fonctionnement de la traduction et de la régionalisation. Autant son intérêt pour le sujet est certain, autant le timing interpelle. Ma perception est une volonté de comprendre l’impact sur Fedora.
Qu’en conclure ?
Que la langue anglaise domine encore et toujours le monde du logiciel libre, et que la diversité linguistique n’est pour beaucoup qu’un encombrement nécessaire pour quelques intégristes.
On parle beaucoup de l’inclusion et de diversité dans nos communautés, et la langue devrait en faire partie intégrante.
L’anglais est une barrière majeure pour beaucoup. Le jargonnage et l’emprunt systématique de mots anglais est également une barrière à la compréhension.
Leur usage s’explique par une tant par paresse intellectuelle que par un fait que la langue Une est l’anglais.
Développeurs, vous avez de nombreuses responsabilités dans notre monde, de l’usage de vos outils à leur impact sur leurs utilisateurs. Ne laissez pas mourir notre capacité à penser dans nos langues parce que vous n’en connaissez plus les mots. N’abandonnez pas les utilisateurs qui ne font pas partie de l’élite anglophone.
Contributeurs, demandez le support de votre langue, réclamez des outils de traduction adaptés, signalez les erreurs, mais surtout, exprimez vous en mots simples. Il est rare d’avoir vraiment besoin de mots anglais pour expliquer un concept, et oui, un mot anglais peut nécessiter plusieurs mots dans une autre langue.
Au revoir Zanata. Tu manqueras à beaucoup.
Merci encore à ses développeurs : Alex Aeng, Sean Flanigan, Patrick Huang, Earl Floden, David Mason et les autres.
Es-tu vraiment mon ami Red Hat ?
Il faudrait penser à financer un peu plus de choses qui ne sont pas des tuyaux, des outils et du produit.
Les humains et leurs cultures aussi ont besoin d’attention, et si toi qui es un géant tu ne le vois pas, ne le finance pas, qui le fera ?
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